Without Shade series 2019 –

Without Shade

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Tracing back to the traditions of Indian wisdom, Dōgen warns his disciples that what they see, feel and touch are “flowers of emptiness”: behind their appearance of permanence, objects are only ephemeral crystallizations in the play of phenomena. Rather than being attached to the firm contours of objects, the concept is about letting oneself be carried by the shimmering colours that bloom in the eye and then fade away and flourish elsewhere. It is less about abandoning the sensitive world, then, than about embracing it in its variations, the awareness of its evanescence. This, perhaps, is the invitation that Susan G. Scott’s latest work offers us.

In Scott’s landscapes, one will not find a faithful reproduction of leaves, trees or rocks: what is presented is nature as a fabric of interactions, exchanges and flows. Deprived of the orientation of the sun, we are immersed in a nature without shade, in the heart of the rustling of the trees, the murmur of falling water, the freshness of the dew. The trees, usually pillars of the forest, become streams of clarity. With light eroding the bushes, the canvas hosts forms that are as tenuous as reflections on water.

Made on the spot, with her feet in the stream, Scott’s watercolours are patiently cut and recomposed once in the studio before being enlarged on the canvas: a way of balancing the full and empty spaces as one places the silences in a poem. In the manner of the great scrolls of Chinese and Japanese painting, the landscapes are devoid of the structural power of perspective and horizon line: they unfold according to the paths that the eye traces between the colors and the marks. On this route, the white spaces dictate breath; the strokes of the brush -in their variations of thickness, textures and colors- seem to form a language, able to express the singularity of each rock, each leaf, each waterfall. Like a poem, they transmit to us the joy of observing these fleeting events that form the beauty of nature, while it is still in bloom.

Mathilde Bois

 

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Remontant la tradition de la sagesse indienne, Dōgen met en garde ses disciples, ce qu’ils voient, sentent, touchent sont des « fleurs du vide » : derrière leur apparence de permanence, les objets ne sont que des cristallisations éphémères dans le jeu des phénomènes, appelés à s’y dissoudre. Plutôt que de s’attacher aux contours fermes des objets, il s’agit de se laisser porter par les chatoiements de couleurs qui fleurissent dans l’œil pour ensuite s’évanouir et éclore ailleurs : moins d’abandonner le monde sensible donc, que de l’épouser dans ses variations, la conscience de son évanescence. C’est peut-être une telle invitation que nous tendent les dernières œuvres de Susan Scott.

Car on ne trouvera dans les paysages de Scott nulle reproduction fidèle de feuilles, d’arbres ou de rochers : c’est plutôt la nature comme tissu d’interactions, d’échanges, de flux qui est mise en scène. Privés de l’orientation du soleil, nous sommes plongés dans une nature sans ombre, au cœur du bruissement des arbres, du murmure des cascades, de la fraîcheur de la rosée. Les arbres, piliers de la forêt, sont devenus des coulées de clarté, la lumière gruge les broussailles ; la toile accueille des formes qui ont la consistance de reflets sur l’eau.

Réalisées sur le motif, les pieds dans les ruisseaux, les aquarelles de Scott sont une fois dans l’atelier patiemment découpées et recomposées avant d’être agrandies sur la toile : façon d’équilibrer les vides et les pleins comme on place les silences dans un poème. À la manière des grands rouleaux de la peinture chinoise et japonaise, les paysages sont dépourvus du pouvoir structurant de la perspective ou de la ligne d’horizon : ils se déroulent au gré des sentiers que le regard trace entre les couleurs et les lignes. Sur ce parcours, les espaces blancs dictent des respirations; les traits du pinceau, dans leurs variations d’épaisseurs, de textures et de couleurs, semblent former un langage à même de dire la singularité de chaque rocher, chaque feuille, chaque cascade. Comme le poème, ils nous transmettent la joie de l’observation de ces événements fugaces qui font la beauté de la nature, pour le temps qu’elle fleurit encore.

Mathilde Bois